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Jean Garon aurait dénoncé le projet de loi 122 et la municipalisation du zonage agricole!
Simon BEGIN,
Jamais Jean Garon ne l'aurait accepté : confier aux municipalités, par simple règlement, le pouvoir d'exclure à leur guise de la zone agricole, sans autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), sans balise ni règle précise, des lots qu'elles jugent impropres à l'agriculture dans la zone agricole. C'est pourtant ce que le ministre des Affaires municipales, Martin Coiteux, veut faire avec son projet de loi omnibus 122, visant pieusement à accroître les pouvoirs et l'autonomie des municipalités. Cinq petits articles discrètement glissés dans ce projet de loi poussent à un niveau encore jamais atteint le lent processus d'effritement de la protection du territoire agricole, processus en marche depuis le départ de M. Garon du MAPAQ, il y a maintenant trente-et-un an.
D'une part, le gouvernement se donne le pouvoir très large de dézoner des parties du territoire agricole sans même demander l'avis de la CPTAQ. Il pouvait déjà dézoner à sa guise pour des fins publiques ou de grands projets privée, mais avec l'odieux d'aller contre l'avis de la Commission. À l'avenir ce sera beaucoup plus facile.
D'autre part, il permet aux petites municipalités de dézoner des lots sans avoir à démontrer à la CPTAQ qu'il n'existe pas de place en zone blanche pour réaliser le projet visé. La réalité est que la CPTAQ autorise plus souvent qu'autrement les demandes d'exclusion de la zone agricole pour permettre par exemple la construction d'une résidence, mais, lorsqu'elle refuse, c'est presque toujours pour cette raison. Le ''bar sera ouvert'' comme avant avec la LPTA et il faut s'attendre à un boum de la construction en zone agricole si le projet de loi 122 est adopté tel quel.
Enfin, M. Garon n'aurait jamais accepté que ce soit le ministre des Affaires municipales qui modifie aussi en profondeur une des lois fondamentales du ministère de l'Agriculture. Avec le transfert récent au ministère des Finances du dossier des taxes foncières agricoles, il s'agit d'une illustration de plus de l'affaiblissement de ce ministère au fil des ans au profit, entre autres, de l'UPA. Et ce n'est pas la saga judiciaire de l'ex-ministre Paradis qui va arranger les choses.
La municipalisation du zonage agricole
Assouplir la loi, en permettant des projets qui contribuent à revitaliser des villages en perte de vitesse, ou en favorisant la villégiature est une chose, mais ''municipaliser'' la protection du territoire agricole et redonner la primauté au développement sur l'agriculture dans la majorité du Québec rural en est une toute autre.
Il faut se rappeler que l'adoption de la Loi de protection du territoire agricole (LPTA) en 1978 a été l'occasion d'un affrontement épique entre l'agriculture et le monde municipal sur le contrôle du territoire. D'un côté, il y avait justement cette notion de gouvernement de proximité mieux à même de juger de ce qui est bien pour la communauté locale et, de l'autre, l'idée centrale pour M. Garon que la protection du territoire agricole est une question d'intérêt national qui ne peut être confiée à des instances locales. À l'époque, il avait fallu l'appui de René Lévesque et du ministre des Affaires municipales du temps, M. Guy Tardif, pour que cette idée l'emporte, mais la bataille n'a jamais cessé depuis.
La réalité est qu'à l'époque, un très grand nombre de conseils municipaux comptaient dans leurs rangs un ou plusieurs développeurs. Plusieurs maires avaient supplié M. Garon d'aller de l'avant avec sa loi parce qu'ils se disaient incapables de résister à la pression du gros entrepreneur de la place ou de leur beau-frère. La Commission Charbonneau a démontré que les choses n'ont peut-être pas tellement changé en ce qui a trait à la proximité des entrepreneurs et des autorités locales.
Au fond, la notion de zone agricole n'a jamais été acceptée ni comprise par le monde municipal. Ce n'est pas tel ou tel terrain qui est protégé, mais l'ensemble d'une zone. Qui penserait aller construire un bungalow entre deux usines dans une zone industrielle sur une parcelle de terrain non utilisable, parce qu'enclavée ou sans capacité portante suffisante? Pourtant, en zone agricole, le moindre espace non propice à l'agriculture est vu comme un terrain à développer pour générer des revenus de taxes sans égard aux problèmes de voisinage entre le résidentiel et l'agricole.
M. Garon était convaincu que la zone agricole allait se raffiner au fil du temps à travers un processus de négociation avec les municipalités afin de tenir compte des réalités locales et c'est ce qui s'est fait en grande partie, notamment avec l'émergence des MRC et des Plans de développement de la zone agricole dont se dotent de plus en plus de municipalités. Mais jamais il n'aurait renoncé à la primauté de l'agriculture sur le développement et à la responsabilité ultime de la CPTAQ sur l'avenir de la zone agricole.
Le gouvernement promet d'adopter un règlement qui respectera ces principes, mais, à sa face même, on est en train d'assister à une municipalisation du zonage agricole source de tous les dangers. La vigilance est de mise plus que jamais.
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